mardi 22 mars 2011

Action syndicale Cameroun

La liberté syndicale
La Constitution camerounaise reconnaît dans son préambule la liberté d’association, la liberté de réunion, et la liberté syndicale comme des droits inaliénables et sacrés. Il s’agit donc de libertés publiques à valeur constitutionnelle. Mais l’histoire syndicale du pays se résumait jusqu’à ces dernières années à un long monolithisme de 1972 à 1995. Le rôle du syndicat consistait plutôt en une justification des décisions patronales ou gouvernementales qu’à la défense des intérêts des travailleurs. Cette période a laissé des traces, et même si aujourd’hui le pluralisme est de retour, la présence syndicale est très relative dans les entreprises: le taux national de syndicalisation était de 46,85 pour cent en 1996.
Le Code du travail tente de combler ce vide en accordant une place importante aux syndicats professionnels et en leur reconnaissant de nombreuses prérogatives. Le Code se montre ainsi protecteur de la liberté syndicale énoncée à l’article 3 puisque la constitution d’un syndicat n’est désormais plus soumise à une autorisation préalable, et qu’il interdit à l’égard des travailleurs tout acte de discrimination tendant à y porter atteinte, sanctionnant par la nullité tout acte contraire. Toutefois, la liberté d’adhésion est une condition nécessaire à la liberté syndicale.
La constitution d’un syndicat
L’octroi de la personnalité civile à un syndicat est subordonné à la remise d’un certificat d’enregistrement par le greffier des syndicats. Les décrets no 93/574 et 576 du 15 juillet 1993 fixent la forme des syndicats professionnels admis à la procédure d’enregistrement, et la forme du certificat d’enregistrement. Une fois celui-ci obtenu, les syndicats ont le droit d’ester en justice et d’acquérir sans autorisation, à titre gratuit ou onéreux, des biens meubles ou immeubles (art. 17). Ils sont donc autonomes financièrement, ce qui constitue le gage de leur indépendance.
La représentativité
L’article 20 établit la preuve de la représentativité syndicale aussi bien pour les syndicats de travailleurs que d’employeurs par rapport à leurs effectifs. Ce système apparaît comme la source de conflits de légitimité qui se mesure, elle, à l’audience électorale.
Le Code du travail admet que les cotisations syndicales puissent être directement prélevées sur les salaires par l’employeur qui les reversera au syndicat. Mais il faut alors, un double accord: entre l’employeur et le syndicat, et l’accord du travailleur.
Les principaux syndicats camerounais, à ce jour, sont:
a)      pour les syndicats salariés à vocation générale:
§  la CSTC (Confédération syndicale des travailleurs du Cameroun).
§  l’USTC (Union syndicale des travailleurs du Cameroun).
b)      pour les syndicats d’employeurs:
§  le GICAM (Groupement inter-patronal du Cameroun).
Négociations et conventions collectives
La place et l’intérêt accordés aux négociations et conventions collectives dans le Code du travail de 1992 témoignent de la prise de conscience du dialogue nécessaire dans les relations de travail entre les travailleurs et les employeurs qui, doivent oeuvrer ensemble à la bonne marche de l’entreprise. Dans le chapitre IV, Titre III du Code du travail, le législateur distingue entre la convention collective, et les accords d’établissement.
Les conventions collectives
La convention collective est définie à l’article 52 comme un accord ayant pour objet de régler les rapports professionnels entre les employeurs et les travailleurs soit d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises, soit d’une ou plusieurs branches d’activités. La négociation a donc lieu au niveau de la branche ou de l’entreprise.
Les acteurs de la négociation sont, d’une part, les représentants d’un ou plusieurs syndicats ou d’une union de syndicats de travailleurs, et, d’autre part, les représentants d’une ou plusieurs organisations syndicales d’employeurs ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement. En ce qui concerne les travailleurs, les syndicats ont donc le monopole de la négociation.
Le principe de faveur s’applique dans la mesure où, si la convention est plus favorable aux travailleurs que les lois et les règlements, elle s’applique de plein droit. Cependant elle ne peut se soustraire aux dispositions d’ordre public.
Les conventions ont un effet erga omnes en ce sens que dès que l’employeur est lié par une convention, celle-ci s’applique à tous ses salariés, indépendamment de leur affiliation ou non aux syndicats signataires. De plus, au niveau de la branche, les conventions peuvent être étendues aux entreprises non signataires par décret pris après avis motivé de la Commission nationale consultative du travail. Leur champ d’application peut être national, interdépartemental ou local.
Le décret no 93/578 du 15 juillet 1993 sur les conventions collectives, décrit la procédure d’élaboration de la convention collective nationale. Elle est élaborée par une commission mixte comprenant des représentants des employeurs nommés sur proposition des organisations syndicales les plus représentatives et les fédérations syndicales. En cas de carence, la délégation patronale à la commission mixte peut être constituée d’un groupement d’employeurs s’ils représentent plus de 60 pour cent des effectifs des travailleurs employés dans la branche.
Les accords d’établissement
Ils concernent un ou plusieurs établissements déterminés et peuvent être conclus entre, d’un côté, un employeur ou un groupe d’employeurs, et, de l’autre côté, des représentants des syndicats les plus représentatifs du personnel de l’établissement ou des établissements intéressés (art. 57). Les accords d’établissement adaptent les dispositions des conventions collectives. Ils présentent l’avantage de se situer au plus près de l’entreprise et de ses réalités et portent essentiellement sur les conditions d’attribution et le mode de calcul de la rémunération au rendement, les primes à la production individuelle et collective et les primes à la productivité. En dehors du cadre conventionnel, ces accords ne peuvent porter que sur la fixation des salaires et des accessoires de salaires.
La représentation des travailleurs dans l’entreprise
Le Code du travail de 1992 se distingue de son prédécesseur par la volonté d’une représentation active du personnel au sein des établissements, traduisant ainsi l’effort de dialogue. Les dispositions du Code remplacent ainsi l’arrêté no 21 de 1981 qui fixait toutes les modalités concernant les représentants du personnel. Au Cameroun, cette représentation se fait par l’intermédiaire des délégués du personnel. Ce sont les salariés d’une entreprise, élus par un collège de travailleurs de la même entreprise, pour une période de deux ans renouvelables. L’établissement doit compter au moins vingt travailleurs (art.122).
Pour être électeur, il faut être un travailleur âgé d’au moins dix-huit ans, et avoir au moins six mois d’ancienneté dans l’entreprise. Pour être éligible, le travailleur doit avoir plus de vingt ans, parler le français ou l’anglais, et être dans l’entreprise depuis plus d’un an. Chaque délégué du personnel a un suppléant. Le chef d’établissement ou les membres de sa famille, ne peuvent pas être élus.
Les délégués du personnel sont élus par un scrutin de liste à deux tours, avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Les syndicats détiennent le monopole de la présentation des listes de candidats.
Les délégués du personnel ont droit à quinze heures, maximum, de délégation par mois, rémunérés par l’employeur. Il s’agit du temps nécessaire à l’exercice de leurs fonctions. La mission des délégués du personnel énoncée à l’article 128 consiste à:
§  présenter aux employeurs toutes les réclamations individuelles ou collectives qui n’auraient pas été directement satisfaites, concernant les conditions de travail et la protection des travailleurs, l’application des conventions collectives, les classifications professionnelles et les taux de salaire;
§  saisir l’inspection du travail de toute plainte ou réclamation concernant l’application des prescriptions légales et réglementation dont elle est chargée d’assurer le contrôle;
§  de veiller à l’application des prescriptions relatives à l’hygiène et à la sécurité des travailleurs et à la prévoyance sociale et de proposer toutes mesures utiles à ce sujet;
§  de communiquer à l’employeur toutes suggestions utiles tendant à l’amélioration de l’organisation et du rendement de l’entreprise.
Les délégués du personnel semblent donc avoir une double fonction de représentation de leur collectivité et de participation au dialogue au sein de l’entreprise.
L’arrêté no 019/MTPS/SG/CJ du 26 mai 1993 fixe les modalités de l’élection et les conditions d’exercice des fonctions de délégué du personnel, comme par exemple, ce qui concerne leur local, le droit d’affichage ou l’obligation de réunion mensuelle avec le chef d’établissement.
Etant fortement exposé, le délégué du personnel bénéficie d’une protection spéciale par rapport aux licenciements. Tout licenciement d’un délégué du personnel est obligatoirement soumis à l’autorisation de l’inspecteur du travail du ressort, sous peine de nullité des mesures prises. Toutefois, en cas de faute lourde. l’employeur peut prendre une mesure de suspension provisoire. L’inspecteur du travail a un délai d’un mois pour se prononcer. Les personnes protégées sont les délégués du personnel pour lesquels est envisagée une mutation les mettant dans l’impossibilité d’exercer leur mandat dans leur établissement d’origine, sauf accord des intéressés devant l’inspecteur du travail du ressort; les anciens délégués du personnel pendant une durée de six mois à compter de l’expiration de leur mandat; les candidats aux fonctions de délégué du personnel pendant six mois à compter de la date du dépôt des candidatures.
Toute mesure contraire à ces règles entraîne pour l’employeur le risque de délit d’entrave, qui est sanctionné civilement par la nullité des mesures prises, et pénalement par une amende et éventuellement une peine de prison s’il s’agit d’une récidive.

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