mardi 22 mars 2011

Liberté d’association et droit de négociation collective

Le Cameroun a ratifié la Convention nº 87 concernant la liberté d’association et la protection du droit syndical (1948) et la Convention nº 98 concernant le droit d’organisation et de négociation collective (1949), le 7 juin 1960 et le 3 septembre 1962 respectivement.

En vertu de la législation camerounaise, les travailleurs ont le droit de former des syndicats et d’y adhérer. Le gouvernement impose cependant de nombreuses restrictions. La loi ne permet pas la création d’un syndicat comprenant en son sein à la fois des travailleurs du public et du privé. Elle ne permet pas, non plus, la création d’un syndicat regroupant des secteurs connexes. En vertu de la législation, les syndicats sont tenus de s’enregistrer auprès du gouvernement. Un quorum de 20 travailleurs minimum est requis pour organiser un syndicat, moyennant soumission d’une constitution, d’un règlement intérieur et d’un certificat pour chacun des membres attestant qu’elle ou il a un casier judiciaire vierge. La loi prévoit des peines de prison et des amendes imposables à des travailleurs qui formeraient un syndicat et mèneraient des activités syndicales sans être enregistrés. D’après ce qu’affirment les fonctionnaires du gouvernement, la certification est accordée dans le mois qui suit la demande de certification. Les syndicats indépendants sont cependant confrontés à des formalités fastidieuses à l’heure de s’enregistrer. Une fois qu’ils sont enregistrés, les syndicats font l’objet d’ingérence de la part du gouvernement. A l’heure actuelle, le gouvernement se trouve engagé dans un processus de réforme de son Code du travail de 1992 et il y a fort à craindre que les amendements proposés imposent des restrictions supplémentaires aux droits de liberté d’association et de négociation collective, notamment à travers une procédure d’enregistrement plus restrictive. Le nouveau code attribuerait des pouvoirs élargis au Bureau du registre des syndicats permettant, notamment, à ce dernier d’annuler la certification d’un syndicat et de limiter la protection accordée aux responsables syndicaux.

Le gouvernement s’ingère dans les activités des syndicats de diverses façons. Il est notamment réputé pour sa tendance à favoriser les organisations de travailleurs qu’il considère plus corvéables et a eu recours à des procédures d’enregistremet excessivement strictes de manière à refuser la reconnaissance à des syndicats à ses yeux trop indépendants. Certaines clauses de la législation du travail sont dépourvues de force obligatoire ou d’effet juridiquement contraignant parce que la présidence n’a pas encore entériné les décrets en vue de leur application. Le gouvernement choisit normalement les syndicats avec lesquels il serait disposé à négocier dans le cadre d’un processus de dialogue social ; certains syndicats indépendants ont accusé le gouvernement de créer de petits syndicats non représentatifs, bien disposés à l’égard des politiques du gouvernement et avec lesquels ce dernier pourrait négocier plus facilement. Ceci serait l image même du corporativisme tel connue dans les année 1980 dans les pays d Amérique Latine. Les seuls bénificiare véritable de modèle sont les dirrigeants qui, au détriment de la revandication des droits des travailleurs, luttent pour propre profit. Telle attitude remet en cause l automie des sindicats, les convertissant en simples acteurs politiques.
D’après l’une des principales confédérations syndicales du pays, le dialogue social existe bien mais les résultats des négociations sont rarement respectés. En 2005, le gouvernement a enfreint les libertés civiles de dirigeants syndicaux tendencieusement rebelles, en plus d’une occasion. La constitution et la loi interdisent la discrimination antisyndicale et les employeurs jugés coupables d’une telle discrimination sont, en principe, passibles d’une amende. Les employeurs jugés coupables ne sont cependant pas tenus d’indemniser les travailleurs lésés ou de réintégrer des travailleurs licenciés. Bien que le ministère du Travail ne publie pas de rapport spécifiquement dédié à la discrimination, divers articles fiables ont paru dans la presse faisant état du harcèlement de dirigeants syndicaux fatigués du système.

Il n’est pas rare que le gouvernement demande à des travailleurs qui tentent d’établir un syndicat de fournir des descriptions de postes signées par l’employeur comme condition préalable pour l’enregistrement. Il est dès lors impossible pour des travailleurs exerçant un emploi informel ou indépendant de former un syndicat.
Le Comité d'Experts sur l'Application des Conventions et Recommandations (CEACR) de l’OIT rappelle que la législation qui stipule que l’existence légale d’un syndicat ou d’une association professionnelle dans la fonction publique est soumise à l’accord préalable du ministère de l’Administration territoriale et à d’autres lois et que les personnes qui établissent un syndicat sans en avoir obtenu l’enregistrement et qui agissent comme si le syndicat avait été enregistré seront passibles de poursuites, n’est pas en conformité avec la convention. En 2007, le Comité a exhorté, une nouvelle fois, le gouvernement à prendre les mesures qui s’imposaient pour rendre la législation conforme à la convention. D’autre part, le Comité a souligné le fait qu’une législation qui stipule noir sur blanc que des syndicats ou des associations professionnelles de la fonction publique n’ont pas le droit de s’affilier à une organisation professionnelle étrangère sans y être préalablement autorisés par le ministère chargé de la supervision des libertés civiles est, en soi, en contradiction avec la convention.

Si le droit de négociation collective est bien reconnu, les mécanismes légaux relatifs à l’application des conventions collectives sont déficients. La négociation collective n’existe pas dans la pratique. Ceci est mis en évidence par le fait qu’il n’y a pas eu de négociations collectives formelles depuis 1996. Le code du travail reconnaît expressément le droit de grève, toutefois uniquement après un arbitrage obligatoire. Bien que légalement contraignantes, les décisions de l’arbitrage sont souvent inapplicables. La disposition de la loi permettant aux travailleurs de partir en grève ne s’applique pas aux employés de la fonction publique, aux personnels du système pénitentiaire et aux travailleurs chargés de la sécurité nationale. Un service minimum doit être maintenu dans certains secteurs, y compris le transport, qui n’est pourtant pas repris au nombre des services que l’OIT définit comme « essentiels » (à savoir des services dont l’interruption risque de mettre en péril la vie, la sécurité personnelle ou la santé d’une partie ou de l’ensemble de la population). Cette clause constitue, par là-même, une infraction aux conventions de l’OIT.

Les entreprises opérant en ZFE sont exemptes de certaines dispositions du Code du travail mais doivent néanmoins se conformer aux normes internationales du travail. Toutefois, une note officielle émanant de l’Office national des zones franches industrielles où figure une liste de conditions spéciales pour les investisseurs stipule que les employeurs jouiront de flexibilité en matière d’embauche/licenciement de travailleurs. Le 19 mai 2005, le Bureau du registre syndical du ministère du Travail et de la Sécurité sociale a suspendu le syndicat des ouvriers agricoles du département de Mfoundi de toutes activités au Centre national d’étude et d’expérimentation du machinisme agricole (CENEEMA). La Fédération nationale des syndicats de l´agriculture, de l´élevage et des pêches du Cameroun (FESTAPEC) à laquelle le syndicat est affilié a dénoncé cette action comme une atteinte flagrante aux Conventions 87 et 98 de l’OIT. D’après elle, les responsables du Bureau du registre syndical et certains cadres du CENEEMA auraient manigancé cette action pour saborder les candidatures légitimes présentées par CENEEMA en vue des élections syndicales prévues le 30 mai. En janvier 2006, 163 ouvriers qui travaillaient à la construction de la route reliant Yaoundé, au Cameroun, à la ville de Moundou, au Tchad, ont été congédiés pour avoir organisé une grève. Les travailleurs s’étaient mis en grève pour protester contre leurs conditions de travail et pour demander une allocation de logement. Le porte-parole des 163 ouvriers de la construction a été écroué à Yaoundé le 22 mai 2006. Son arrestation est intervenue à la suite d’une visite effectuée sur le chantier où les travailleurs avaient été licenciés. Toujours en 2006, Barnabé Paho de la Confédération Syndicale des Travailleurs du Cameroun (CSTC) a été accusé de falsification par son employeur, l’entreprise DTP Terrassement, filiale de la société française Bouygues. Il fut ensuite transféré à Tchollire, ville située à plus de 1000 kilomètres de l’endroit de son arrestation, et maintenu en détention une semaine durant, sans même être interrogé. Il a ensuite été remis en liberté.
En juin 2006, Jean-Marie N’Di, secrétaire général de la Fédération des syndicats
de la santé, pharmacies et assimilés (FSESPAC) a été congédié pour ses activités
syndicales par la Fondation Medicale AD-LUCEM.

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